PSA reportage « ils se battent pour sauver leur usine », quartier général, Direct8 [1]

Sujet de l’article : Comment le lean pourrait aider les opérateurs de production, leurs team leaders, et leurs superviseurs, à réussir à pérenniser leur usine.

Réaction au film « ils se battent pour sauver leur usine », diffusé sur Direct8, dans l’émission quartier général, le 21 novembre 2011.  [Le documentaire ne se trouve plus sur le net, mais on doit pouvoir vous dépanner.]

Introduction :

Un film intéressant qui soulève les bonnes questions et qui montre comment les gens de la base s’investissent dans leur entreprise, avec leurs moyens à eux. Malheureusement ils ne semblent que très peu soutenus par le système de management, peu formés ; et la culture du respect, de la qualité et du juste à temps n’en sont qu’a leurs balbutiements. Quand on voit ce que donnent ces personnes en temps et en énergie – une vie entière pour l’un d’eux – on se dit qu’ils méritent vraiment un coup de main du vrai lean – pas du copier-coller d’outils.

On montrera dans la suite de l’article que la culture la plus répandue va à l’encontre de la compréhension du lean. Notamment des commentaires du film, la voix off, montrent qu’il y a beaucoup d’efforts à faire pour changer l’état d’esprit général pour que puisse se développer le lean management. Le lean n’a rien à voir avec le Taylorisme contrairement à l’idée qu’on peut s’en faire au premier abord. Le lean c’est comme les personnes, il faut les côtoyer longtemps pour bien les connaître.

Commentaires :

Dès les premières secondes on démarre sur « le problème de Bruno ».

Sur une quinzaine de véhicules manque un film de protection de marche. La cause : rupture d’approvisionnement. Quand on observe le diamètre du rouleau de film en question, et le peu utilisé pour chaque véhicule, on comprend tout de suite que les approvisionnements et les réactions aux problèmes d’approvisionnement ne sont pas « sous contrôle » à Sochaux. Résultat : des opérateurs bousculés au milieu de leurs opérations, avec quel impact sur la qualité? Une team leader et un superviseur (Bruno) mobilisés sur des retouches au lieu de faire leur travail de formation auprès des opérateurs. (Même si les retouches peuvent faire partie de leur mission, en particulier celle du team leader).

[on observera :

– Les cordes jaunes Andon, qui servent à demander de l’aide au team leader.

– Un opérateur sans protection de tête travaillant du coté gauche de la ligne qui en faisant le tour de la voiture vient enlever une protection arrière de caisse à droite pour la remporter dans le chariot de retour situé à gauche de la ligne. Soit une quinzaine de pas de 0,8m répétés 400 fois par jour = 5 km. Observation à rapprocher de la conférence de Wil James et de son commentaire : « nous avons réduit de 4 miles (~7 km) la marche d’opérateurs.

– Des Flows-Racks vides en bord de ligne dont on se demande ce qu’ils font là.]

Menace sur l’emploi : l’épée de Damoclès :

Dans la séquence suivante la voix off annonce :

– Plus de 1000 emplois supprimés en 2012 à Sochaux,

– Il faut toujours fabriquer plus vite et moins cher, l’erreur est interdite, la chaine ne doit jamais s’arrêter.

– A quel prix ces ouvriers ont-ils encore un emploi ?

– Les usines Françaises peuvent-elles encore être sauvées ?

Ce sont 4 assertions ou questions qui font réagir les connaisseurs du Toyota Production System (TPS) rebaptisé lean en occident.

Le premier fondement du TPS est : « Pas de licenciements ». Comme le dit Wil James, « C’est un incroyable avantage d’avoir des employés qui ne craignent pas d’être licenciés« . Il explique aussi que cela n’est pas une décision facile à assumer mais que Toyota sait faire preuve de créativité pour y arriver.

Le deuxième fondement est que « L’opérateur doit arrêter la chaîne. » En effet la non qualité ne doit pas arriver au client,  les problèmes doivent être diagnostiqués sur le champ, et éradiqués à la racine.

Le troisième fondement est que tout le monde doit bénéficier des progrès réalisés par les Kaizens. Les clients (dans le prix et la qualité), l’entreprise et les actionnaires, et également les opérateurs (par la sécurité du poste, de l’emploi, et un meilleur confort de travail). Dans le TPS, les ouvriers n’ont pas de « prix à payer ».

Le quatrième fondement du TPS est qu‘il faut produire localement plus de 80% du produit. Les fournisseurs sont situés dans un rayon de moins de 300 km autour de l’usine, qui fournit le marché « local ». C’est ainsi que Toyota a 5 usines, un centre de conception, et une structure de formation en Europe. Le TPS permet à Toyota au Japon d’être compétitif, et d’exporter les véhicules de faibles volumes de ventes ou de technologies spécifiques depuis le Japon, tout en faisant des marges. Le lean est le système de management qui sauvera notre industrie et nos bureaux d’études et d’innovation.

…à suivre (n’oubliez pas de vous abonner par courriel ou flux RSS)

3 Responses to PSA reportage « ils se battent pour sauver leur usine », quartier général, Direct8 [1]

  1. Franck D. dit :

    Bonjour, que d’incompréhension sur ce qu’est l’esprit du Lean. Au delà d’une méthode ou d’un panel d’outils, vision bien réductrice d’après moi, le Lean est une approche globale qui ne tend pas à supprimer des emplois… De mon point de vue si on arrive à faire un équilibrage de ligne permettant de réduire la main d’oeuvre dans un atelier, on doit pouvoir réallouer cette ressource à d’autres tâches. Par effet domino, on peut donc arriver à optimiser les tâches en production pour dégager des ressources qui ensuite vont en qualité puis en développement produit puis en vente. L’optimisation de l’outil de production doit permettre de vendre mieux. Au delà de cela, gardons l’esprit du lean et ne le pervertissons pas.

  2. Anonyme dit :

    Le mode de fonctionnement que vous présentez, diverge très peu de celui que j’avais pu découvrir il y a quelques années, à l’occasion d’un stage ouvrier sur une autre chaine de montage automobile. En effet, tel que vous le décrivez, suite à un souci d’approvisionnement d’un composant sur la chaine, plutôt que d’arrêter la chaine, régler le problème et relancer la production, le responsable d’ilot va courir pendant un bon moment pour rattraper le retard, plutôt que de chercher à comprendre l’origine du disfonctionnement.

    Il y a 5 ans, j’avais rencontré une situation similaire :
    Il arrivait que des ouvriers prennent du retard sur leur montage. Prendre du retard ou dans leur jargon : « couler », c’est une sorte de cercle vicieux : la chaine avançant automatiquement, l’ouvrier s’éloigne de plus en plus des pièces en bord de ligne qu’il a à monter. Il marche plus et perd encore plus temps. Il risque alors de gêner ou de retarder ses collègues en aval. Il est obligé d’augmenter sa cadence, d’accélérer les gestes et son stress augmente : de fortes sources de non qualité. L’ouvrier en panique risque de changer ses gestes ou l’ordre de montage. Par exemple, en faisant remonter un défaut qualité constaté sur un poste, l’ouvrier m’a répondu : « Je m’en souviens, je coulais, je n’ai pas eu le temps de monter cette pièce ».
    La raison même de la prise de retard n’était pas vraiment explicitée. Elle pourrait être de diverses raisons (raison qui aurait mérité analyse) : rattrapage d’un défaut d’un collègue empêchant un montage sur son poste, manque d’un appro ou appro non-conforme…

    Confronté la première fois à ce problème de retard et voyant deux ouvriers en grandes difficultés sur leur poste (le poste d’entrée dans l’ilot et qui avait parfois des difficultés de synchronisation avec l’ilot précédent), j’étais allé voir le responsable de l’ilot en lui suggérant naïvement : « ils sont entrain de couler sur ce poste, il faudrait arrêter la chaine pour qu’ils rattrapent le retard ». Là, on m’a vite fait comprendre que c’était hors de question d’arrêter la chaine. En me montrant le tableau de la production prévue et réalisée, on m’a expliqué qu’on allait prendre du retard et que si on arrête la chaine, toute l’usine s’arrête. Les ouvriers seraient payés à ne rien faire et les quelques minutes d’arrêt coutent très cher. Le responsable d’ilot envoya alors un polyvalent aider les retardataires.

    Les chefs d’ilot voyaient leur rôle comme celui qui est là pour éviter coute que coute, tous les arrêts de chaine. Le responsable d’atelier voyant l’indicateur de production : nombre de voitures produites par rapport à ce qui est prévu, et l’indicateur de productivité : nombre de voiture produite par rapport au nombre d’ouvriers : tant que les volumes y sont c’est bon. Pour le tiers des véhicules retouchés, il y a toujours un moyen pour trouver une excuse à un défaut qualité et l’atelier de retouche n’est pas sous la même responsabilité. Peut-être que depuis, les mentalités ont changé ?

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